Notice
Psychiatrie de liaison
Coll. Psychiatrie
Coordonnateurs : LEMOGNE Cédric, COLE Pierre, CONSOLI Silla, LIMOSIN Frédéric
Directeur de Collection : OLIÉ Jean-Pierre
Soigner le patient tout en accompagnant et en formant les équipes de soins somatiques
Langue : FrançaisComplément d’information :
Thème de Psychiatrie de liaison :
Ouvrage 704 p. · 17x24 cm · Broché ·
ISBN : 9782257206923
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Le développement de la psychiatrie de liaison, de plus en plus reconnue comme une discipline à part entière, répond à la nécessité de prendre en charge les troubles psychiques des patients hospitalisés ou consultant à l’hôpital général, que ces troubles soient secondaires à la pathologie somatique, intriqués à celle-ci ou qu’ils en constituent un facteur favorisant ou précipitant.
L’exercice de la psychiatrie de liaison, pionnière dans la promotion d’une médecine transversale et interdisciplinaire centrée sur le patient comprend non seulement une activité de consultation auprès du patient et de son entourage, mais également l’accompagnement et la formation des équipes médico-chirurgicales, visant à créer les conditions d’une prise en charge optimale aussi bien psychique que somatique.
Fruit de l’expérience clinique et de la réflexion théorique d’auteurs francophones de plusieurs nationalités sur le rôle de la psychiatrie de liaison, l’ouvrage traite de l’ensemble des problématiques de façon complète et pragmatique :
• la définition de la discipline qu’est la psychiatrie de liaison ;
• les champs théoriques et cliniques connexes ;
• la consultation de psychiatrie de liaison (pourquoi, comment, avec quels interlocuteurs) ;
• les consultations spécifiques (avant un décision de traitement, avec d’autres équipes) ;
• les grands motifs d’avis psychiatriques (patient déprimé, agité, n’adhérant pas aux soins, etc.), avec un chapitre résumant la conduite à tenir pour chaque motif par des arbres de décision ;
• le travail avec les unités de soins somatiques spécifiques (cardiologie, cancérologie, etc.) ;
• la thérapeutique, médicamenteuse ou fondée sur les psychothérapies ;
• les situations particulières, enfin, auxquelles le psychiatre de liaison peut être confronté (fin de vie, particularités culturelles, etc.).
Soucieux d’allier rigueur scientifique et pédagogie, l’ouvrage s’organise du plus général au plus spécifique, de la théorie à la pratique, pour apporter au lecteur des éléments utiles à sa pratique quotidienne et à sa réflexion sur celle-ci.
Liste des collaborateurs
Préface
Une discipline : la psychiatrie de liaison
Chapitre 1. Aspects historiques, par Hélène Vulser et Victoria Lanvin
Chapitre 2. Modèles organisationnels, par Silla M. Consoli
Chapitre 3. Référentiel métier, par Romain Sicot et Christian Spadone
Chapitre 4. Critères d’évaluation et aspects médico-économiques, par Silla M. Consoli
Des champs théoriques et cliniques connexes
Chapitre 5. Psychologie de la santé, par Cécile Flahault, Léonor Fasse, Cédric Lemogne et Aurélie Untas
Chapitre 6. Psychologie médicale, par Cédric Lemogne et Silla M. Consoli
Chapitre 7. Médecine psychosomatique, par Cédric Lemogne et Silla M. Consoli
Chapitre 8. Psycho-oncologie, par Sarah Dauchy, Anne Brédart et Sylvie Dolbeault
Chapitre 9. Addictologie de liaison, par Benjamin Rolland, Nicolas Simioni et Olivier Cottencin
Un cadre général : la consultation de psychiatrie de liaison
Chapitre 10. Objectifs généraux, par Cédric Lemogne, Marie Guitteny, Anne Sauvaget et Jean-Marie Vanelle
Chapitre 11. Recueil et analyse de la demande, par Pierre Vidailhet, Dominique Mastelli et Adrien Gras
Chapitre 12. Réalisation de la consultation, par Catherine Massoubre, Joseph D’Angelo et Silla M. Consoli
Chapitre 13. Collaboration avec les autres unités mobiles, par Guillaume Airagnes
Chapitre 14. Collaboration avec les autres dispositifs de soins en santé mentale, par Hélène Vulser et Gilles Amar
Chapitre 15. La place des proches et leur accompagnement, par Jean-Christophe Chauvet-Gelinier, Aurore Imbert et Bernard Bonin
Chapitre 16. Articulation avec les médecines non conventionnelles, par Stéphanie Träger, Florian Scotté, Pierre Cole et Cédric Lemogne
Des consultations spécifiques
Chapitre 17. Consultation préthérapeutique, par Marie Guitteny, Anne Sauvaget et Jean-Marie Vanelle
Chapitre 18. Consultations multidisciplinaires, par Khadija Lahlou-Laforêt et Pierre Cole
Les grands motifs d’avis psychiatrique
Chapitre 19. Le patient déprimé, par Cédric Lemogne
Chapitre 20. Le patient suicidaire, par Hélène Vulser
Chapitre 21. Le patient anxieux, par Gaële Lebeau
Chapitre 22. Le patient agité, par Mélanie Lavallée
Chapitre 23. Le patient délirant, par Grégoire Huguet, Paul Brunault et Vincent Camus
Chapitre 24. Le patient désorienté, par Gaële Lebeau
Chapitre 25. Le patient ayant une addiction, par Guillaume Airagnes
Chapitre 26. Le patient ayant des troubles de l’alimentation, par Alain Perroud, Hélène Vulser et Pierre Cole
Chapitre 27. Le patient dont les symptômes physiques sont attribués à une cause psychologique, par Cédric Lemogne
Chapitre 28. Le patient ayant vécu un événement traumatique, par Étienne Vermeiren, Marine Bréart, Virginie Paget, Cédric Lemogne et Pierre Cole
Chapitre 29. Patient posant des difficultés relationnelles, par Konstantinos Tzartzas, Régis Marion-Veyron, Cédric Lemogne et Pierre Cole
Chapitre 30. Le patient n’adhérant pas aux soins, par Cédric Lemogne, Oury Chocron, Khadija Lahlou-Laforêt, Alexandre Berney et Michaël Saraga
Chapitre 31. Les grands motifs d’avis psychiatrique : arbres décisionnels, par Cédric Lemogne
Le travail avec des unités spécifiques
Chapitre 32. Liaison en diabétologie, par Stéphane Saillant
Chapitre 33. Liaison en cardiologie, par Khadija Lahlou-Laforêt, Anne Clerget et Anne Le Boudec
Chapitre 34. Liaison en dermatologie, par Myriam Chastaing
Chapitre 35. Liaison en néphrologie, par Bénédicte Gohier et Guillaume Allet
Chapitre 36. Liaison en unité de soins intensifs, par Nicolas Bergeron
Chapitre 37. Liaison en gastro-entérologie et chirurgie digestive, par Hélène Champagne, Gaële Lebeau et Guillaume Airagnes
Chapitre 38. Liaison en ORL et chirurgie orale, par Pierre Cole et Philippe Peignard
Chapitre 39. Liaison en cancérologie, par Sylvie Dolbeault, Anne Brédart et Sarah Dauchy
Chapitre 40. Liaison en endocrinologie, par Éric Constant
Chapitre 41. Liaison en infectiologie dédiée au VIH, par Pierre Cole, Simona Toma, Charlotte Otletc et Gaële Lebeau
Chapitre 42. Liaison en épileptologie, par Jean-Yves Rotgé, Virginie Lambrecq et Vincent Navarro
Chapitre 43. Liaison en neurologie générale, par Joao Flores Alves Dos Santos, Luc Mallet, Philippe Domenech, André Zacharia, Pierre Cole, Fabrice Berna, Pierre Vidhailhet et Magloire Nkosi Mpembi
Chapitre 44. Liaison en orthopédie-traumatologie, par Sarah Tebeka, Hortense Boulanger et Isabelle Thauvin
Chapitre 45. Liaison en médecine de la reproduction, par Élodie Girard et Isabelle Streuli
Chapitre 46. Liaison en obstétrique et en périnatologie, par Caroline Dubertret et Marie De Pradier
Chapitre 47. Liaison en pédiatrie, par Béryl Koener, Michèle Laurent et Catherine Jousselme
Chapitre 48. Liaison en gériatrie, par Jean-Pierre Schuster et Frédéric Limosin
La prise en charge
Chapitre 49. Effets secondaires psychiatriques des médicaments à visée somatique, par Hélène Vulser, Émilie Belisssa, Marie Besson et Pierre Cole
Chapitre 50. Médicaments psychotropes, par Pierre Cole
Chapitre 51. Interventions de soutien, par Sophie Prébois, Maurice Bensoussan et Laurent Schmitt
Chapitre 52. Interventions de crise, par Stéphane Saillant et Jean-Pierre Bacchetta
Chapitre 53. Interventions systémiques, par Olivier Cottencin
Chapitre 54. Interventions psychodynamiques, par Sylvie Pucheu-Paillet
Chapitre 55. Interventions fondées sur l’hypnose, par Stéphane Radoykov et Samy Amroun
Chapitre 56. Interventions cognitives et comportementales, par Philippe Peignard, Serge Wallez, Charles Kornreich et Jacques van Rillaer
Chapitre 57. Interventions fondées sur la pleine conscience, par Guido Bondolfi, Françoise Jermann et Béatrice Weber
Chapitre 58. Contention physique, par Julien Smadja et Cédric Lemogne
Les situations particulières
Chapitre 59. Le patient en fin de vie, par Nicole Pélicier
Chapitre 60. Le patient douloureux, par Astrid Chevance et Vincent Feuga
Chapitre 61. Le patient avec des troubles sexuels, par Christine Reynaert, Thomas Dubois, Denis Jacques et Nicolas Zdanowicz
Chapitre 62. Le patient sourd, par Pierre Cole et Odile Cantero
Chapitre 63. Le patient d’une autre culture, par Rahmethnissah Radjack, Marie-Rose Moro et Jonathan Lachal
Chapitre 64. Le patient avec une problématique sociale, par Alain Mercuel, Mathilde Martinot, Chantal Magdeleinat, Cédric Lemogne et Pierre Cole
Chapitre 65. Le patient « VIP », par Sébastien Theunissen
Chapitre 66. Santé mentale des soignants et épuisement professionnel, par Michel Delbrouck et Cédric Lemogne
Index
L’une des œuvres maîtresses de la musique classique occidentale, L’Art de la fugue de Jean-Sébastien Bach, est souvent citée comme un modèle de l’art contrapunctique, c’est-à-dire de l’art de la composition polyphonique, superposant plusieurs lignes mélodiques d’égale valeur. Fruit de nombreuses années de travail, cette création musicale répondait à une finalité pédagogique en déclinant méthodiquement les règles du contrepoint et la diversité illimitée des variations qu’il permet. Elle a fasciné et inspiré un nombre considérable de compositeurs et d’interprètes et reste un modèle pour apprendre et comprendre quelques-uns des mystères qui font qu’une œuvre attire notre attention, nous touche, voire nous transforme.
Voici donc un ouvrage « polyphonique » sur la psychiatrie de liaison, alliant rigueur scientifique et souci de transmettre au mieux, dans un but didactique, cet « art d’interpréter » in vivo, dans des situations concrètes, un ensemble de règles générales qui structurent cette pratique particulière du soin en milieu médical qu’est la psychiatrie de liaison. Polyphonique de par la pluralité des auteurs qui y ont contribué, de cinq nationalités différentes, tous qualifiés d’une expertise remarquable dans le domaine qu’ils ont été amenés à traiter, mais aussi de par la multiplicité des approches et des référentiels qui caractérisent cette discipline. Du caractère international de l’ouvrage découle le parti pris de ne pas développer les aspects réglementaires et légaux propres à chaque pays. Bien que ces aspects soient fondamentaux pour la pratique, les spécificités nationales – voire cantonales – en la matière auraient pu paraître anecdotiques pour le lecteur non concerné. À cette exception près, voici donc une mise en commun d’expériences cumulées, qui invite à s’immerger avec confiance et avec bonheur dans l’univers fécond et captivant, mais en même temps complexe, de la psychiatrie de liaison. Pour rendre plus lisible et intelligible une telle complexité, le choix a été fait de proposer un chemin allant du plus général au plus particulier ou spécifique, de la théorie à la pratique, du trans-nosographique aux domaines psychopathologiques ou aux domaines médicaux singuliers qui illustrent cette discipline et ses problématiques. Chaque domaine comporte en effet son lot précieux de connaissances et d’enseignements utiles, qui en détermine l’originalité, mais la pratique montre qu’au-delà des différences, voire des oppositions apparentes, les analogies sont nombreuses et instructives, par exemple entre les problématiques rencontrées par la liaison dans le domaine cardiovasculaire ou dans le domaine de la cancérologie, mais on pourrait citer tout aussi bien plusieurs autres couples de domaines contrastés, de telles analogies constituant une source fertile de progrès pour la pensée et la pratique, grâce au décentrage que représente toujours un éclairage extérieur. C’est dire aussi toute l’importance pour les psychiatres de liaison impliqués dans des pratiques spécifiques à l’hôpital général de pouvoir travailler ensemble et échanger sur leurs pratiques respectives.
Comme toute autre discipline médicale, la psychiatrie de liaison a besoin de catégorisations claires, de simplifications pédagogiques mais aussi de données documentées, de manière à promouvoir un raisonnement fondé sur la preuve et à maintenir constant un regard critique sur les acquis et les croyances antérieures. Mais elle se doit également d’accepter cette part d’ombre et de désordre à laquelle nous confrontent la clinique quotidienne, nos rencontres avec les patients et la « complexité » qui est par essence le propre du vivant.
L’ouvrage resitue le champ de la psychiatrie de liaison au contact de la psychologie médicale, de la psychologie de la santé et de la psychosomatique, champs théoriques et cliniques connexes, avec lesquels la psychiatrie de liaison a des liens à la fois historiques et conceptuels. Si la psychiatrie francophone ne possède pas la même culture des structures de soins psychosomatiques et de la spécialité psychosomatique, d’ailleurs distincte de la psychiatrie, qui caractérisent la tradition germanophone, on peut néanmoins rappeler que la société savante européenne qui a rassemblé cliniciens et chercheurs impliqués en psychiatrie de liaison s’est dénommée longtemps Association européenne de psychiatrie de liaison et de psychosomatique (European Association of Consultation-Liaison Psychiatry and Psychosomatics) avant d’être rebaptisée Association européenne de médecine psychosomatique (European Association of Psychosomatic Medicine). On ne peut que se féliciter que la plupart des psychiatres et psychologues travaillant en milieu hospitalier général aient fini par abandonner l’illusion psychosomatique qui avait pu servir de référentiel théorique à certains d’entre eux, c’est-à-dire la croyance parfois dogmatique en une psychogenèse des pathologies médicales. La pratique en milieu hospitalier, une démarche plus scientifique apportent chaque jour des arguments supplémentaires en faveur de la complexité des interactions réciproques et des synergies entre psyché et soma ou entre santé mentale et santé physique, y compris sur l’origine « secondaire » d’un certain nombre d’états émotionnels liés à la présence d’une pathologie médicale évolutive non encore déclarée. Ce rappel à l’ordre n’exclut cependant pas la légitimité et l’actualité de l’interrogation psychosomatique et ce sont parfois nos collègues somaticiens qui, preuves épidémiologiques et physiologiques à l’appui, découvrent ou redécouvrent avec fascination ce domaine, alors que les intervenants en psychiatrie de liaison tendraient à se montrer plus sceptiques ou critiques…
La reconnaissance réglementaire de la psychiatrie de liaison en tant que surspécialité possédant un corpus propre de connaissances et de savoir-faire, comme cela peut être le cas pour l’addictologie, la pédopsychiatrie ou encore la psychiatrie du sujet âgé, est variable d’un pays à l’autre. Certes, en ce qui concerne la psychiatrie de liaison, ce corpus n’est pas propre à un regroupement d’états pathologiques ou à une tranche d’âge, mais bien plutôt au contexte dans lequel notre discipline déploie son expertise, c’est-à-dire celui de patients recevant des soins en premier lieu pour une affection somatique. Le présent ouvrage illustre combien un tel contexte, pouvant sembler réducteur, implique en fait de spécificités conceptuelles et pratiques, en constant renouvellement à l’interface de la psychiatrie générale et de la médecine somatique. Se former à la psychiatrie de liaison implique un certain nombre de conditions et de critères de qualité qui justifieraient une évolution réglementaire dans les pays où ces spécificités sont insuffisamment reconnues. On ne peut qu’espérer que le passage par une structure de psychiatrie de liaison puisse, sinon être obligatoire, du moins être fortement recommandé dans le cursus des futurs psychiatres, mais aussi dans celui d’autres professionnels du soin psychique, a fortiori s’ils se destinent à travailler en milieu médical.
Les psychiatres et autres intervenants en psychiatrie de liaison auraient-ils le monopole d’une approche « globale » du patient médical ? Seraient-ils irremplaçables pour que la subjectivité du patient soit respectée et que son bien-être émotionnel soit pris en compte ? Ce serait particulièrement prétentieux de le croire, même si cette vigilance à l’égard de la vie psychique et de la singularité de chaque malade guide la conception des soins et la conduite des intervenants en psychiatrie de liaison. Bien que le souci d’objectivation du mal et parfois la survalorisation des données tangibles et visibles, tels les résultats de l’imagerie médicale, prennent parfois beaucoup de place dans les comportements médicaux contemporains, nous nous devons de reconnaître l’implication authentique et convaincue en faveur d’une approche globale du malade par la plupart de ceux que nous désignons par convention et simplification quelque peu abusive comme les « somaticiens ». Cette constatation doit conduire psychiatres et psychologues de liaison à une position de modestie et de discrétion qui ne pourra qu’être bénéfique pour le meilleur partenariat possible avec les équipes de soins somatiques. Il nous semble même que pour exercer de manière efficiente et gratifiante la psychiatrie de liaison un minimum de curiosité, voire une véritable passion pour l’univers médical sont nécessaires de la part des intervenants de liaison. Plus ces derniers se montreront capables de sortir de leurs référentiels habituels, de s’intéresser aux pratiques et innovations technologiques médico-chirurgicales, de montrer leur estime et parfois leur admiration pour le savoir-faire de leurs partenaires somaticiens, plus il y a des chances qu’en retour la discipline psychiatrique et, plus précisément, la parole et les recommandations des intervenants en psychiatrie de liaison soient respectées, entendues, intégrées.
S’il faut que le psychiatre de liaison soit le plus à jour de ses connaissances et se sente ainsi « armé » pour exercer son métier au quotidien – cet ouvrage est d’ailleurs là pour l’aider dans cette tâche –, il importe parallèlement qu’il se garde de toute bonne conscience abusive quant à la pertinence et à l’utilité des propositions thérapeutiques qui seront les siennes lors des rencontres de liaison successives. Savoir s’interroger sur le caractère véritablement bénéfique de certaines interventions, voire sur les effets indésirables de certaines formes d’aide qui ne poussent pas suffisamment le patient à prendre appui sur ses propres ressources psychiques ou sur celles de son entourage et pérennisent de manière indue une dépendance à des soins psychiques, bref : avoir aussi en psychiatrie de liaison une « culture de l’évaluation », de l’incertitude et de la vérification, nous semble constituer une règle de base salutaire pour éviter le risque d’une autosatisfaction lénifiante et pour garder à la psychiatrie de liaison un caractère vivant, évolutif et perfectible.
Les intervenants en psychiatrie de liaison évoluent au quotidien entre deux univers structurés dotés de repères solides et animés par des professionnels qui se reconnaissent entre eux comme faisant partie d’un même groupe identitaire : la psychiatrie et les psychiatres d’une part, l’univers médical et les somaticiens d’autre part. Tels des navigateurs solitaires entre deux rives, les intervenants en psychiatrie de liaison peuvent pâtir de cette position « extraterritoriale » et être en quête d’une reconnaissance légitime d’identité. L’organisation des sociétés savantes spécialisées dans le domaine, mais aussi la disposition d’un corpus de connaissances, tel que celui que peut offrir cet ouvrage, peuvent venir à l’appui d’une telle quête. Sans compter le rôle majeur de l’apprentissage d’une langue particulière, sorte de commun dénominateur aux somaticiens et aux psychiatres, permettant de communiquer avec chacune de ces communautés en étant entendu des uns et des autres.
La psychiatrie de liaison ne s’improvise pas, mais cela s’apprend. Cela s’apprend à la lecture d’ouvrages spécialisés, en explorant la littérature scientifique, en assistant à des congrès. Cela s’apprend tout autant en pratiquant soi-même, en participant activement à des réunions de discussion de cas cliniques. Cela s’apprend surtout dans le cadre de relations de maître à élève, au contact de praticiens qui ont envie de transmettre leur savoir-faire, leur passion du métier, mais aussi leurs incertitudes, leur envie d’aller toujours plus loin. L’Art de la fugue de Bach est une œuvre inachevée. On lui a fait la réputation d’être sa création ultime, mais c’est là sans doute le fait d’une légende hagiographique destinée à célébrer un grand musicien qui a fini ses jours aveugle et qui aurait dicté les dernières notes de sa composition. Que cette métaphore nous serve ici simplement de prétexte à souligner le fait que cet ouvrage n’est qu’une étape temporelle d’une somme de connaissances et réflexions sur la psychiatrie de liaison. À chaque lecteur de l’enrichir à sa guise en confrontant son contenu à de nouveaux travaux ou de nouveaux témoignages sur ce domaine ou en y apportant la marque personnelle de sa propre expérience.
Silla M. Consoli
Pierre COLE est Psychiatre, Chef de clinique au sein du département de Santé mentale et de Psychiatrie des hôpitaux universitaires de Genève.